Comment et pourquoi exprimer son désaccord lors d'une réunion ?
Exprimer son désaccord en réunion peut parfois non seulement être utile, mais aussi absolument nécessaire. Pourtant, ce n’est pas toujours facile : importance de le faire, et conseils d’un expert pour y parvenir.
En tant que dirigeant(e), il est essentiel de veiller à créer un climat de sécurité psychologique dans vos réunions d'équipe, afin que chacun se sente en confiance pour exprimer son point de vue et contribuer pleinement à la prise de décision. Cependant, de nombreuses personnes peuvent s'identifier à la situation suivante : vous n'êtes pas d'accord avec vos collègues au cours d'une réunion, mais vous ne l'exprimez pas nécessairement - parce que vous avez peur d'être mal perçu(e) ou de ne pas organiser correctement vos pensées au moment de parler, et finalement, d'offenser vos pairs. Pourtant, dire ce que l'on pense en réunion est souvent utile, car le débat d'idées peut être productif et parfois absolument nécessaire.
Exprimer son désaccord en réunion permet de lutter contre des biais de décision bien connus, comme l’effet de groupe, et constitue parfois la clé du succès. De plus, être en mesure de s’exprimer en toute confiance au travail contribue au bien-être au travail, qui on le sait, est essentiel à la productivité. Bien sûr, l'idée n'est pas de se bagarrer en réunion, mais d'essayer de trouver ensemble les bonnes solutions, en confrontant des idées.
Afin de donner aux dirigeant(e)s et à leurs équipes les meilleurs conseils sur la manière d'exprimer leur désaccord en réunion, nous avons demandé à Julien Godefroy, consultant et formateur en management et gestion du temps, de nous faire part de son expérience et de ses conseils pratiques. Dans l'interview qui suit, vous comprendrez pourquoi il est important d'exprimer son désaccord en réunion, et comment vous pouvez le faire de la meilleure façon possible, en aidant votre équipe à obtenir les meilleurs résultats.
Diriez-vous qu'il est facile ou difficile pour un individu d’exprimer son désaccord en réunion ?
Julien Godefroy : Lorsque nous regardons les différents profils de personnes à travers le modèle DISC, nous avons les extravertis (Dominants et Influents), ainsi que les introvertis (Stables et Consciencieux).
Je pense qu’il est plus facile pour un extraverti de prendre la parole et d’exprimer son désaccord. En effet, parce qu’il est plus facilement tourné vers le monde extérieur et vers les autres, il ose plus facilement s’exprimer.
Cependant, ce n’est pas pour cela que la prise de parole est faite à bon escient.
À l’inverse, les introvertis auront tendance à réfléchir beaucoup plus avant de s’exprimer. En cas de désaccord, leurs réflexions pourraient être encore plus longues, rendant plus difficile leur prise de parole.
Enfin, de manière générale, je pense qu’il est plus difficile d’exprimer son désaccord en réunion. Des effets de clan peuvent amener à ce qu’un avis prenne le dessus. Il peut donc devenir difficile de prendre la parole par crainte de se mettre à dos le groupe ou de ne pas être écouté.
Souvent, en cas de sujet très difficile à exprimer, je conseille de rencontrer les personnes dans un premier temps en individuel afin de « prendre la température ».
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S'il y a un manque de confiance en soi / dans le groupe pour s'exprimer en réunion, pourquoi, à votre avis ? Comment les dirigeants peuvent-ils créer un climat de sécurité psychologique dans leurs équipes et dans leurs réunions ?
Julien Godefroy : Selon moi, le manque de confiance en soi peut être de diverses origines. Il peut provenir de notre histoire, qui nous a amenés à avoir une faible confiance en nous. Cela peut aussi provenir d’un manque de technique. En effet, la prise de parole en public s’apprend. Mais cela peut aussi venir d’une position dans le groupe peu confortable. En effet, des liens plus ou moins forts se tissent entre les personnes.
Cependant, pour que tous les points de vue puissent être exprimés, il est essentiel de créer un climat de confiance au sein du groupe. Pour cette raison, même si certaines fois, cela peut sembler long, il est essentiel que chacun se présente au début d’une réunion. Cela permet de capter les signes de communication verbale et non verbale de chacun et donc d’établir une première prise de contact.
De plus, il est aussi possible d’ajouter certains éléments lors de la première prise de parole. Cela peut être de présenter ses objectifs (formels) ou de donner « sa météo du jour », à savoir comment nous nous sentons (informel). Chacun pourra ainsi créer du lien avec l’autre et pourra rebondir lors de sa prise de parole. C’est une manière de briser la glace en réunion.
Ensuite, le dirigeant ou l’animateur de la réunion peut évoquer les différentes règles de la réunion : ne pas juger, s’écouter, couper les téléphones, etc. Ces règles permettront de donner un cadre qui rassurera les participant(e)s.
Enfin, l’exemplarité et la posture du dirigeant ou de la personne chargée d’animer la réunion permettent à chacun de se calquer sur un point de référence. Il est donc pertinent de réfléchir à ce qu’on veut voir des autres, et comment on doit adapter sa propre posture. Si l’écoute est essentielle pour nous, par exemple, il faut adopter la posture d’écoute qui va avec.
Pour que tous les points de vue puissent être exprimés, il est essentiel de créer un climat de confiance au sein du groupe.
Est-il positif ou négatif d'exprimer son désaccord en réunion ? Quelles sont les répercussions d'un groupe dont les participants n'expriment pas leur désaccord en réunion (par exemple sur la prise de décision, sur l'état émotionnel des participants) ?
Julien Godefroy : Je ne préfère pas raisonner de manière positive ou négative dans le fait d’exprimer son désaccord en réunion. Je pense que chaque participant doit plutôt se poser la question de l’importance du sujet et de l’importance d’exprimer son désaccord.
Si le sujet concerne la couleur de la nouvelle cafetière, par exemple : si le groupe préfère « noire » et qu’un participant préfère « rouge », est-il vraiment indispensable de dire ce que l’on pense ? Le participant devra donc estimer le niveau d’importance du sujet en question, et du fait d’exprimer son avis. Si le sujet n’a que peu d’importance, alors il pourra « céder », voire « laisser tomber ».
Mais si le sujet a de l’importance, le participant devra se poser la question suivante : “est-ce que je souhaite un compromis ou est-ce que je souhaite imposer mon point de vue ?”. Ainsi, il sera en mesure de mieux préparer ses arguments pour convaincre et réfléchir aux points qu’il est prêt à accepter.
Car outre le fait de prendre la parole pour exprimer son ressenti, il s’agira aussi d’anticiper sa posture qui succèdera au désaccord, lorsque les autres participants à la réunion prendront la parole. Mais c’est bien en favorisant ce type de débats qu’une décision pertinente peut être prise.
Il est certain que plus le sujet sera important pour le participant, plus il aura un intérêt émotionnel à s’exprimer. En effet, il pourrait être frustré de ne pas intervenir sur un sujet qui a de l’importance pour lui.
Quelles bonnes pratiques/méthodes les organisateurs de réunions peuvent-ils suivre pour s'assurer que toutes les opinions soient prises en compte dans les réunions et dans la prise de décision ?
Julien Godefroy : Outre les points que nous avons déjà évoqués à la question 2, les organisateurs pourront donner la parole à celles et ceux qui ne se sont pas exprimé(e)s. Ainsi, en sollicitant leurs avis directement, ils s’assureront de ne rater aucun point de vue.
Il est aussi possible de créer des groupes de travail. En effet, il peut être plus facile de s’exprimer au travers de petits groupes. Ensuite, un travail de restitution et de compilation permettra de décider.
Enfin, en amont de la réunion, l’organisateur pourra envoyer l’ordre du jour de la réunionainsi que ses attentes. Chacun pourra donc préparer au mieux les sujets prévus et ce qu’ils souhaitent exprimer. Chacun aura aussi le temps d’échanger en amont pour « prendre la température ».
Pourriez-vous nous donner des exemples de façons d'exprimer un désaccord sans offenser les autres ?
Julien Godefroy : Je pense qu’il est important de dire ce que l’on pense en utilisant le « Je ». En effet, il s’agit de « notre » avis qui peut se révéler important, mais qui peut aussi être incomplet. De plus, nous nous exprimons en notre nom.
Ensuite, je pense qu’il est important d’être précis pour ne pas remettre en question l’intégralité du sujet. Plus nous aurons identifié ce qui nous pose problème, plus nous pourrons être pertinents.
De plus, nous pourrons aussi évoquer ce que nous apprécions afin de pouvoir valoriser le positif.
Je pense que nous devons être orientés « solution ». Outre le fait d’exprimer ce qui nous pose problème, nous devrions exprimer aussi ce dont nous avons besoin ainsi que nos attentes.
Ainsi, chacun aura les moyens de mieux nous comprendre, mais aussi de savoir ce qu’il ou elle doit faire pour sortir de cette situation.
Par exemple :
"Je pense que le plan d’action que nous avons mis en œuvre est incomplet. En effet, pour ma part, la partie logistique me pose un problème, car je manque de budget pour tenir les délais. Les autres actions me semblent tout à fait adaptées et pertinentes. Cependant, j’ai besoin que nous discutions de l’aspect financier. En effet, voici ma demande : pouvons-nous augmenter mon budget pour que je puisse tenir les délais ou pouvons-nous allonger les délais si ce n’est pas possible ?"
Exprimer son désaccord en réunion, lorsqu'il s'agit d'un sujet important, est crucial, car dire ce que l’on pense au travail crée les débats nécessaires pour générer de nouvelles idées, elles-mêmes importantes pour prendre de bonnes décisions. Pour créer un climat de confiance dans leurs réunions, favoriser l’expression de toutes et tous et mener à une prise de décision éclairée, les dirigeants disposent de multiples techniques et de bonnes pratiques de réunion, comme :
- prendre la température de chaque participant ;
- encourager chacun à s'exprimer ;
- utiliser des astuces d'animation de réunion comme l'icebreaker de réunion ;
- envoyer un ordre du jour clair ;
- clarifier les objectifs à atteindre ;
- rappeler les règles de la réunion ;
- donner l’exemple et bien exprimer son désaccord en utilisant le "je" et en s’orientant vers la "solution" pour faire passer son avis opposé avec brio, sans offenser les autres.
Nous tenons à remercier Julien pour ses conseils avisés qui aideront de nombreux dirigeants et collaborateurs à mieux exprimer leur désaccord au sein de leurs réunions, pour des réunions plus productives.
