Gestion de réunion

Organiser une bonne réunion de rentrée

Avec la crise sanitaire, les réunions ont dû se réinventer. Louis Vareille, réuniologue, nous livre ses conseils pour une réunion de rentrée efficace.

Louis-Vareille
Louis Vareille
Louis Vareille Réuniologue

Septembre est là. C’est une rentrée spéciale pour les élèves et les étudiants. Elle l’est également pour toutes les entreprises. En effet, nous venons tous de traverser une crise sanitaire sans précédent qui aura eu pour effet de modifier nos habitudes de vie et de travail. Pour les dirigeants d’entreprise, cette crise a été un véritable défi : télétravail, réunions à distance, maintien du processus décisionnel malgré les circonstances et assurer la continuité des affaires…ils ont dû adapter leurs pratiques. Parmi ces dernières, la manière d’organiser des réunions.

Culturellement beaucoup plus organisées en présentiel qu'à distance, les réunions françaises ont dû se réinventer au sein des équipes managériales. Pourtant, de nombreuses entreprises avaient déjà des difficultés à organiser des réunions productives, et souffraient de réunionite aiguë : un mélange de réunions improductives et trop nombreuses, phénomène malheureusement très répandu dans l’hexagone. Comment, alors, réussir à s’adapter ? Quel a été l’impact de ces nouvelles conditions sur la situation ?

Chez Sherpany, notre mission principale est de créer un monde où chaque réunion compte.

Alors que nous avons déjà interviewé Louis Vareille, expert réuniologue et président de l’École Internationale de Réuniologie, sur sa vision de la réunionite, nous l’avons sollicité à nouveau pour répondre à quelques questions et recueillir ses perspectives sur les réunions d'après crise. Dans cette interview, il nous présente des concepts extrêmement intéressants comme la réunion de rentrée ou encore les réunions asymétriques.

 

Selon vous, quel a été l'impact de la crise sanitaire sur la réunionite en France ?

Louis Vareille: Je n’ai malheureusement pas de données quantitatives françaises. Par contre je trouve très stimulants les résultats d’une étude internationale conduite par des experts d’Harvard et New York University.1 

En traitant les données de plus de 3 millions d’utilisateurs, l’étude indique que : 

  • le nombre de réunions par personne a augmenté de 12,9%
  • le nombre de participants par réunion a augmenté de 13,5%
  • la durée des réunions a diminué de 20,1%


En synthèse, davantage de réunions, beaucoup plus courtes avec pour conséquence, moins de temps passé en réunion. Ces éléments sont en phase avec la perception subjective que j’ai de la situation.

D’un point de vue qualitatif, je peux partager ce que j’ai pu observer dans les entreprises que je côtoie. J’ai observé une meilleure prise en compte des enjeux des réunions avec pour conséquence des efforts pour les rendre : 

  • plus « ponctuelles », après avoir pris conscience du temps que l’on peut perdre à attendre des participants en retard
  • plus inclusives, où davantage d’attention a été portée à l’état d’esprit des participants, avec la mise en œuvre de tours de table
  • plus compactes, en étant plus précis sur les attendus de la réunion et sur la liste des participants strictement nécessaires
  • plus précises, en veillant à une formulation univoque des décisions et des engagements.


Toutes ces organisations ont appris. Y compris à distinguer ce qu’Olivier Sibony, professeur à HEC, évoque dans une excellente vidéo: les activités télé robustes et les activités télé fragiles.2 C’est-à-dire les activités qui peuvent être menées à distance et celles qui nécessitent une interaction physique. Les premières étant du domaine de l’exploitation et les deuxièmes du domaine de l’exploration.

 

Toutes les organisations ont adapté, dans un climat de crise, leurs modalités d’interaction, alors que le télétravail s’est imposé à tous en quelques jours.

Louis Vareille
Réuniologue

Aujourd’hui, les organisations réfléchissent pour définir le nouveau normal. Avec des choix parfois catégoriques, comme le 100% télétravail ou bien, au contraire, le 100% bureau avec des précautions drastiques. 

La réalité est que la majorité des organisations vont installer des modalités hybrides, où le télétravail encadré va devenir un standard, tout en maintenant des temps au bureau pour maintenir la cohésion des équipes et conduire les activités télé fragiles dont nous avons déjà parlé. La conséquence en est que les modalités de communication et de réunion vont être revues, avec l’apparition de nouvelles pratiques et de nouveaux rituels.

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Vous avez récemment publié un article sur le thème de la “réunion de rentrée” sur les réseaux sociaux. Pouvez-vous nous en dire davantage ? 

Louis Vareille: Je suis très sollicité en ce moment pour accompagner des organisations qui souhaitent « réinventer » leurs pratiques et tirer le meilleur de tout ce qu’elles ont appris durant la période du confinement. Je les pousse à organiser un événement en présentiel pour produire collectivement ces nouvelles normes. Joli prétexte pour rassembler les équipes alors que certaines personnes ne se sont pas vues en chair et en os depuis plus de 6 mois.

Je recommande d’inclure dans ce programme une session de « purge émotionnelle ». Un temps durant lequel chacun va avec ses collègues évoquer comment il (ou elle) a vécu la période de confinement. Cette période inédite qui a été une expérience universelle, vécue dans la majorité des cas de manière individuelle. Certains en ont profité pour développer leurs talents de cuisinier, d’autres ont vu partir l’un de leurs proches. Certains étaient à la campagne avec un accès haut débit, d’autres dans un appartement avec les enfants et des restrictions de connexion.

Une fois cette purge faite, la raison d’être du collectif doit être rappelée, avant de travailler sur les ajustements et les nouveaux rituels. Il convient alors d’explorer un concept : la matrice de Johansen qui propose de conceptualiser quatre espaces différents pour interagir dans une équipe : 

  • Présentiel et Distanciel
  • Synchrone et Asynchrone3

Cette matrice a plus de trente ans. Mais reste tout à fait d’actualité pour réinventer nos fonctionnements.

 

Vous abordez depuis quelques temps le concept des “réunions asymétriques”, qui selon vous vont devenir la nouvelle norme en termes de réunions. Qu'ont-elles de particulier dans le contexte actuel et quel est leur impact pour les dirigeants ? 

Louis Vareille: Avant le confinement, la norme était la réunion « en présentiel ». Durant le confinement, toutes les réunions sont passées « en distanciel ». Aujourd’hui, j’ai la conviction profonde que le nouveau normal sera fait de réunions asymétriques. Asymétriques, alors qu’un petit groupe de personnes est dans une salle (salle de réunion ou bureau) et les autres participants à distance. La technologie peut alors être soit la vidéo, soit l’audio, voire une combinaison des deux. Dans tous les cas, la réunion est « asymétrique ». Les participants ne vont pas vivre la même expérience. 

Il n’y a alors pas d’autre choix que d’appliquer de manière impitoyable les trois secrets de la Réuniologie :

  1. « Commencer par la fin ». C’est-à-dire être d’une grande exigence sur la formulation de l’objectif de la réunion et être tout aussi exigeant dans sa négociation en début de réunion.
  2. « Tous acteurs ». Mettre en œuvre des stratagèmes pour que chacun vienne préparé à la réunion. Durant la réunion, veiller à ce que personne ne se sente à l’abri. Cela signifie que l’animateur de la réunion doit focaliser son attention sur les participants à distance et les solliciter nominativement aussi souvent que nécessaire. Enfin la réunion doit se terminer avec un alignement de tous sur les décisions et engagements pris.
  3. « Faire mieux demain. » Demander systématiquement du feedback sur la réunion, sur la qualité du résultat obtenu, mais encore plus sur les modalités de conduite de la réunion, de manière à identifier des voies de progrès pour « faire mieux demain. »

 

Si vous deviez donner 3 conseils principaux aux dirigeants qui nous lisent : que peuvent-ils faire dès la semaine prochaine pour rendre leurs réunions productives au sein de la “nouvelle norme” ?

Louis Vareille: Bizarrement, j’ai envie de partager 3 conseils qui ne sont pas spécifiques aux réunions à distance, mais qui sont d’autant plus pertinents que les conditions de réunion ont évolué.

1. Oser le progrès

Montrer son leadership en posant à tous ses collaborateurs deux questions : 

  • « Que pensez-vous de mes réunions ? » 
  • « Qu’est-ce que je pourrai faire pour les améliorer ? »

C’est une manière de sortir du biais cognitif qui nous amène tous à surestimer la qualité des réunions dont nous avons la responsabilité. Vous pouvez même utiliser des applications d’enquête comme eval.express qui permettent de garantir un anonymat total. Une fois les commentaires recueillis, il convient de les discuter avec l’équipe et de décider ensemble des ajustements nécessaires.

2. Reformuler les ordres du jour

Appliquer une idée popularisée par Steven Rogelberg : exiger que tous les sujets à l’ordre du jour soit formulé sous forme de question. Par exemple, remplacer le sujet intitulé « Point Chiffre d’Affaires premier semestre » par « Comment rattraper les 10 % perdus au premier semestre et finir l’année au budget ? » Si vous êtes un dirigeant, vous allez vite transformer vos réunions. Tout d’abord en montant votre niveau d’exigence sur la qualité des ordres du jour, mais aussi en générant beaucoup plus de contributions de la part des participants.

3. Écouter davantage

Je vous invite pour cela à méditer une phrase de Carlos Tavares, le président du Groupe PSA/FIAT, paru dans un article sur Les Échos.4 « Quand nous avons une réunion sur un sujet, je tâche de me taire pendant la présentation et de distribuer ensuite la parole. C’est dur, mais j’ai appris à me soigner. À la fin, je reformule et je tranche avec ma propre pondération, forcément discutable. »

Simon Sinek évoque de manière magistrale la même idée dans une vidéo intitulée « Speak the last ».5 

Un dirigeant est essentiellement là pour tirer le meilleur de son équipe. L’écoute doit être sa première préoccupation. C’est en appliquant ces trois recommandations que les dirigeants pourront améliorer leurs réunions et influencer, par leur exemple, l’ensemble de leur organisation. 

Voulez-vous en savoir plus sur la gestion des réunions ?

1 ‘The Pandemic Workday Is 48 Minutes Longer and Has More Meetings’, Bloomberg, 2020.

‘Télérobuste ou téléfragile : le télétravail peut détruire l'entreprise [Olivier Sibony]’, Xerfi Canal, 2020.

3 Matrice de Johansen, 1988.

4 ‘Carlos Tavares, les leçons de management du sauveur de Peugeot’, Les Echos, Mars 2019.

5 ‘Simon Sinek Be the Last to Speak’, 2017.


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Louis Vareille
A propos de l'auteur
Louis Vareille accompagne les organisations qui décident de s’attaquer à la performance de leurs réunions, pour faire de chacune d’elles un moment à la fois productif, engageant et apprenant.