Gestion de réunion

L'effet de groupe et son impact sur vos réunions

L'effet de groupe (effet Janis) donne un faux sentiment de sécurité, et les décisions sont perçues comme plus pertinentes qu'elles ne le sont vraiment. Explications sur ce phénomène de pensée de groupe en réunion et solutions pour y faire face.

Tobias Kortas
Tobias Kortas
group thinking

La prise de décision est le véhicule qui permet d'obtenir des résultats lors des réunions, mais il ne correspond pas toujours à la volonté réelle du groupe. En effet, même si l’on veille à bien choisir les participants à une réunion, divers pièges peuvent la conduire à des résultats très défavorables, voire à de mauvaises décisions. L'effet de groupe, aussi appelé effet Janis, pensée de groupe ou encore groupthink, en est un exemple : il s'agit d'un phénomène psychologique très répandu qui représente un véritable danger pour vos réunions.

La pensée de groupe ou groupthink a en effet pour tendance de faire tranquillement s'effondrer les structures qui devraient donner naissance à de bonnes décisions. Souvent, le processus de décision semble se dérouler de manière optimale, mais les participants à la réunion le rendent absurde sans même s'en rendre compte. C'est le phénomène groupthink : une pression élevée de conformité et un fort besoin d'harmonie conduisant à de faux pas. 

De par leur nature hautement sociale, les réunions peuvent clairement être affectées par la pensée de groupe, en particulier lorsqu'un expert respecté ou un leader dominant intervient. Cet article se penche plus précisément sur le phénomène d'effet Janis, ou groupthink, et en explique les causes et les conséquences. Il donne également des conseils sur la manière de prévenir efficacement l'effet Janis en réunion.

 

Groupthink, effet Janis : signification

La pensée de groupe ou groupthink est un phénomène qui a été inventé dans les années 70 par Irving Janis (1918-1990), un chercheur en psychologie de l'Université américaine de Yale. Cet effet de groupe, appelé depuis "effet Janis", a été mis en évidence dans son livre "Victims of Groupthink", où il analysait les mauvaises décisions de la politique américaine : les individus s'étaient ralliés à l'opinion du groupe, contrairement à leur opinion réelle. Selon Janis, le groupthink a ainsi conduit à des fiascos comme l'échec de l'invasion de la baie des Cochons.1 D'autres études ont finalement confirmé les conclusions de Janis, notamment une étude sur l'accident du Challenger.2 

Il est relativement bien connu que les personnes en groupe s'écartent souvent de leurs modèles de comportement individuels et de leur conviction intérieure. Les groupes agissent souvent différemment de ce que chaque participant a l'habitude de faire en étant seul. 

Dans l'idéal, la dynamique de groupe conduit à des succès dont les individus ne seraient pas capables seuls. Mais trop souvent, c'est l'inverse qui se produit : des modèles d'interaction tels que la pression collective font perdre de précieuses impulsions individuelles, qui sont littéralement réprimées. Il en résulte généralement des décisions consensuelles qui ne sont prises que de manière formelle et qui restent en deçà du potentiel cognitif du groupe. 

Mais que signifie concrètement la pensée de groupe ? Nous vous présentons ci-dessous une définition.

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Groupthink: Definition

L’effet Janis, ou groupthink, désigne un comportement par lequel des individus se rallient à la position ou au jugement d'un collectif, indépendamment de leur propre opinion. Cela conduit à une assimilation complète des différentes opinions individuelles en une opinion de groupe partagée ou tacitement acceptée. Comme la rationalité de chaque individu n'intervient ainsi que de manière réduite, voire pas du tout, la qui s'ensuit est souvent irrationnelle. Les conséquences augmentent parallèlement à l'importance de la décision en question et débouchent dans le pire des cas sur des catastrophes.

 

 

Dans l'idéal, la dynamique de groupe conduit à des succès dont les individus ne seraient pas capables seuls. Mais trop souvent, c'est l'inverse qui se produit.


Cet effet de groupe se produit surtout lorsque les participants n'étudient pas les alternatives avec la rigueur qui leur est due, voire pas du tout, au profit d'un besoin d'harmonie. Ainsi, la prise de décision présente des déficits et les interactions ne remplissent pas la fonction souhaitée. Les décisions ne sont pas adéquates, peu réfléchies et donc inexactes. La pensée de groupe résulte à la fois de faiblesses structurelles et de contextes situationnels défavorables.

 

La pensée de groupe en réunion : pièges et paradoxes

La plupart du temps, les réunions comportent les objectifs suivants : gagner en clarté et parvenir à des décisions fondées. Avec l'effet Janis, cette clarté s'avère trompeuse : des positions ont certes été exposées, mais elles ne correspondent pas à la réalité. Pour diverses raisons, les participants n'ont pas défendu leurs véritables convictions, mais ont adopté sans réfléchir un point de vue plus socialement accepté. En bref, l'objectif de la réunion, qui est de profiter d'un savoir collectif grâce à une expertise commune et à des contributions ciblées, n'est pas rempli. 

Même en ayant défini des règles à respecter en réunion, auxquelles les participants se tiennent, ces derniers peuvent s'empêtrer dans des paradoxes : le résultat est dans certains cas l'exact contraire de son apparence extérieure - à savoir non pas une décision prise à la majorité, mais la simple reproduction d'une opinion minoritaire perçue comme harmonieuse. 

Prenons un exemple : au cours d'une réunion, un participant a l'impression que son avis est le seul à contredire celui du CEO. Pour ne pas se faire remarquer négativement, il vote conformément à la position de ce dernier - mais pense toujours de la même manière au problème. Lors de discussions ultérieures avec d'autres participants, il s'avère finalement que nombre d'entre eux partagent son avis, mais ont également voté "en conformité". Le résultat était donc soi-disant "collectif", mais ne reflétait pas du tout la réalité.

 

Raisons de l’effet Janis et facteurs qui bloquent les bonnes décisions

Il existe un certain nombre de caractéristiques individuelles et de processus sociaux qui induisent une pensée de groupe et s'opposent aux bonnes décisions. En voici un aperçu :

  • Pression d'adaptation et de conformité : vouloir s'adapter et appartenir à un groupe est un trait classique du comportement social humain. L'humain trouve souvent plus d'avantages à faire partie d'un groupe accepté.
  • Évitement d'expériences négatives : rares sont ceux qui aiment faire partie d'une minorité inférieure. De plus, le risque existe de révéler des déficits ou de paraître stupide en adoptant sa propre position. L'acceptation d'une autre opinion apporte ici une certaine sécurité.
  • Sous-estimation de sa propre expertise : les participants peuvent se sentir désespérément inférieurs aux experts. Ils adoptent leur opinion afin de paraître plus compétents. 
  • Raisons tactiques et politiques : l'honnêteté n'est pas toujours à l'avantage de l'individu. Celui qui signale par exemple qu'il approuve l'initiative d'un camarade a plus de chances de voir ses propres projets et initiatives approuvés.
  • Le manque d'intérêt : si le sujet ne semble pas important, il est très pratique de se rallier à une opinion populaire ou prestigieuse.

 

Conséquences de l’effet Janis

Connaître les causes de la pensée de groupe permet de bien comprendre les mécanismes sous-optimaux et potentiellement dévastateurs de ce phénomène dans les réunions et dans la vie professionnelle en général. Pour comprendre encore mieux l'impact du groupthink et prendre les bonnes décisions, il convient de se pencher sur ses conséquences. 

 

Toute organisation devrait connaître les conséquences de la pensée de groupe afin d'être alertée et de prendre des contre-mesures.


Voici un aperçu de quelques-unes des conséquences de l'effet de groupe : 

  • Baisse de la qualité des décisions : ce sont essentiellement les décisions qui souffrent du groupthink. Ainsi, ce phénomène peut certes donner lieu à des décisions rapides, mais celles-ci ne sont souvent pas très profitables, voire entraînent de graves conséquences. 
  • Illusions : le groupe s'imagine qu'il fait tout correctement ou qu'il a moralement raison, alors que cela ne correspond pas à la réalité. Il peut également en résulter une fausse impression de sécurité : les participants se sentent "invulnérables" alors qu'ils ont justement contribué à emprunter une voie défavorable et risquée ou à laisser passer des opportunités. 
  • Manque de vision / refoulement : les membres du groupe ne perçoivent même pas les alternatives à l'action actuelle et les opportunités. Ce champ de vision restreint empêche non seulement de saisir de précieuses opportunités, mais met également en danger à moyen terme sa propre position sur le marché. 
  • Perte de temps et de ressources : avec la pensée de groupe, il n'y a pas besoin de réunions à proprement parler. Comme les participants ne reflètent de toute façon qu'une certaine position, celle-ci aurait pu être simplement affirmée de manière autocratique. D'une part, le temps perdu entraîne une inefficacité et des coûts d'opportunité, d'autre part, des ressources qui auraient pu être économisées sont utilisées sans raison. 
  • Fatigue des réunions, réunionite et surmenage au travail : le groupthink conduit à des réunions improductives, ce dont les participants sont témoins de première main. En l'absence d'un véritable débat et d'un dialogue utile, les réunions deviennent une obligation pénible, ce qui peut conduire à la réunionite ou un mélange de réunions trop nombreuses et improductives, à de l'épuisement et même au surmenage au travail. Afin d'être utiles et énergisantes, les réunions ont besoin d'interventions passionnantes et de véritables initiatives.

 


Éviter l’effet Janis et prendre les bonnes décisions

La pensée de groupe est-elle désormais inévitable, un mal nécessaire ? Certainement pas. Le risque d'être victime de ce phénomène est toutefois relativement élevé. Bonne nouvelle : il existe de nombreuses solutions efficaces pour lutter contre l'effet de groupe. 

Il est essentiel d'identifier l'effet Janis le plus tôt possible, de connaître les stratégies de résolution et de les mettre en œuvre de manière efficace. Nous vous présentons ci-dessous quelques approches pour éviter le groupthink au sein de vos réunions.

 

Cinq stratégies pour éviter l’effet de groupe et gagner en clarté

  1. Promouvoir la diversité : les groupes homogènes, dont les membres ont des schémas de pensée très similaires, sont plus enclins à l'effet de groupe. Une solution consiste donc à constituer des équipes et des participants aux réunions aussi hétérogènes que possible et à veiller à la diversité. En effet, des équipes diversifiées peuvent être la clé du succès, car elles permettent d'aiguiser la vision, de remettre en question les schémas de pensée établis et de prendre des décisions plus fondées.
  2. Faire appel à des experts externes : l'expertise qui ne provient pas de l'environnement proche permet d'obtenir une vision plus globale et moins limitée. L'absence de préjugés et de perspectives biaisées permet également d'éviter le groupthink.
  3. Forcer la créativité / l'engagement : l'ice breaker de réunion et les techniques d'animation de réunion telles que le brainwriting font non seulement ressortir la créativité et favorisent une meilleure énergie de groupe, mais empêchent également les participants de trop s'influencer mutuellement. Il peut également être utile de diviser les participants en plusieurs petites équipes qui élaborent chacune leur propre solution (partielle). Il est essentiel d'inciter les participants à penser par eux-mêmes, sans préjugés. Au lieu de se contenter de voter, chacun devrait, dans la mesure du possible, élaborer sa propre solution avant d'entamer une discussion en plénière.
  4. Prendre du recul en tant que dirigeant : la pensée de groupe est souvent le résultat d'une mauvaise technique de management. Dans ce cas, l'autorité conduit à l'adoption irréfléchie d'opinions et de comportements, et aucune véritable discussion ne peut avoir lieu : les réunions ne fonctionnent plus comme elles le doivent. C'est pourquoi les dirigeants devraient garder leur point de vue pour eux le plus longtemps possible afin de connaître les véritables opinions de leurs équipes. Il y a ainsi plus de chances d'acquérir des connaissances et de prendre de bonnes décisions, éclairées par de multiples sources. S’appuyer sur un modèle de prise de décision qui permet de favoriser les parties prenantes est également une piste intéressante à suivre.
  5. Voter en secret : lors des votes ouverts, les participants doivent révéler leur position sur les questions. Il arrive que le vote ne soit pas conforme aux opinions opposées à celles des supérieurs et des collègues, en particulier lorsque ces opinions sont perçues comme contraires - ainsi, dans de nombreux cas, la vérité peut être considérée comme un désavantage. Le vote à bulletin secret est donc un moyen efficace pour que les résultats des réunions correspondent à l'opinion réelle des participants.


Il existe donc des moyens d'empêcher ou d'atténuer l'effet Janis. La sécurité psychologique au travail joue également un rôle clé pour que les membres de l'équipe abordent les réunions avec plus de confiance et moins de pression de conformité. 

Les dirigeants devraient connaître ces solutions et les principes du bien-être des équipes et s'en inspirer pour trouver des moyens d'éviter que des dynamiques sociales dangereuses ne fassent dévier leurs réunions de leur trajectoire.

 

Conclusion : reconnaître l’effet Janis et agir

Le groupthink est un phénomène très répandu : il se produit dans de nombreuses interactions sociales. Nous y sommes également de plus en plus confrontés dans le monde du travail et dans les réunions. Dans les médias sociaux, c'est presque un principe de base : les groupes et le fil d'actualité des utilisateurs respectifs reflètent de plus en plus leur opinion et manifestent souvent des modèles de pensée déjà existants.3 

En général, la pensée de groupe repose sur une forte pression de conformité et un besoin d'harmonie prononcé. Elle a un impact négatif sur la qualité des décisions et présente quelques pièges, allant des malentendus aux décisions paradoxales, voire aux catastrophes. 

Afin d'éviter ces pièges et de mener des réunions productives, il convient tout d'abord de connaître les caractéristiques du groupthink. Sur cette base, il est possible de prendre des contre-mesures afin de stopper et de déjouer autant que possible ces dynamiques dangereuses. 

Il n'est pas possible d'empêcher complètement la pensée de groupe - l'homme, en tant qu'être social, l'adopte souvent sans s'en rendre compte. Mais connaître quelques techniques peut être d'une grande aide dans le contexte professionnel et surtout lors de réunions. Il s'agit d'un élément précieux à prendre en compte pour des réunions plus productives.

Voulez-vous en savoir plus sur la gestion des réunions ?

1 Le 17 avril 1961 : la baie des Cochons représente l’un des plus grands fiascos de toute l'histoire. Pour en savoir plus, lire l’article “Qu'est-ce que la baie des Cochons?”, Le Journal du Dimanche, Avril 2021.

2  "The Space Shuttle Challenger disaster: A classic example of Groupthink", Academia, 2010.

3 "The power of groupthink: Study shows why ideas spread in social networks”, Étude BerkeleyHaas, 2021.


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Tobias Kortas
Tobias Kortas
A propos de l'auteur
Tobias est un rédacteur expérimenté qui aime créer du contenu de valeur. Son expérience journalistique lui permet de s'intéresser de près à des sujets tels que la gestion des réunions, la transformation numérique et le leadership agile.