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Transformation d'entreprise

Femmes du numérique : défis et opportunités pour un monde digital et inclusif

Quels sont les défis auxquels sont confrontées les femmes du numérique, et quelles opportunités leur offre la digitalisation ? Interview de quatre femmes dirigeantes dans le secteur du numérique.

Robert Mitson
Robert Mitson
Woman digital world

Dans un monde de plus en plus digitalisé, nos façons de vivre et de travailler ont changé. Ces changements, anodins de prime abord, ont pourtant un impact profond sur nos attitudes, nos mentalités et nos comportements. Dans ce contexte, la question de l’égalité hommes/femmes se pose. Plus qu’un droit fondamental, cette égalité est essentielle à la construction d’organisations modernes et prospères. Il n’y a pas de diversité de pensées et d’expériences sans une représentation juste des femmes au sein des organisations: la diversité soutient la performance des entreprises et améliore leur culture organisationnelle.

Les chiffres ont de quoi inquiéter. Les données publiées par l’OCDE révèlent que dans certains pays d’Europe, seules 50 % des femmes utilisent Internet, contre 68 % des hommes.1 Si la digitalisation est un révélateur des inégalités structurelles et sociétales, elle représente aussi une opportunité immense d’autonomisation et d’émancipation, avec la possibilité pour les femmes d’accéder à une indépendance financière, d’améliorer leurs perspectives de carrière et d’acquérir de nouvelles connaissances.

Le statu quo a un coût important. Selon une étude, « face à une croissance lente, au vieillissement des sociétés et à l'augmentation du niveau d'éducation des jeunes femmes, les arguments économiques en faveur de l'égalité numérique entre les sexes sont nombreux ».2 Quoi de mieux pour comprendre les défis rencontrés par les femmes du numérique et favoriser leur participation que d’écouter les points de vue et expériences des premières concernées sur :

  • La question du genre dans le secteur du numérique 
  • Leur vision de l'avenir du leadership
  • Ce qui constitue un bon leadership dans le monde numérique. 

 

Interview croisée de quatre femmes dirigeantes évoluant dans le secteur du numérique :

  • Cécile Bernheim - Présidente et fondatrice de S2E Partners. 
  • Cornelia Ritz Bossicard - Directrice et associée de 2bridge AG, membre du conseil d'administration de diverses multinationales et présidente de swissVR.
  • Sunnie J. Groenveld - Entrepreneur, membre du conseil d'administration, conférencière et doyenne associée des études de l'Executive MBA Digital Leadership de la HWZ University of Applied Sciences à Zurich.
  • Nicole Herzog - Tech entrepreneur et présidente du conseil d'administration de Sherpany.

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Selon vous, quelle est la clé d'un bon leadership dans le secteur du numérique ?

Sunnie J. Groeneveld: Un bon leader du secteur du numérique sait minimiser les risques liés à la transformation digitale tout en en maximisant la valeur ajoutée pour l'organisation. Pour ce faire, il faut une nouvelle approche du leadership. Les leaders du numérique doivent non seulement avoir une compréhension fine de la technologie, mais ils doivent aussi être enthousiastes, inspirants, agiles et plus enclins à prendre des risques que les précédentes générations de dirigeants. C’est comme cela qu’ils peuvent soutenir l'innovation.

Les bons leaders dans le secteur du numérique sont ouverts aux nouveaux modes de travail. Ils comprennent les avantages de la digitalisation, les bienfaits de l'itération ainsi que de la prise de décision basée sur des données. Ils combinent cette expertise avec un haut niveau d'empathie et d'excellentes compétences en communication, tant en virtuel qu’en présentiel. Un autre élément crucial du leadership digital est l'esprit d'entreprise et une forte approche centrée client, et ce, sur tous les canaux. Ces leaders ont soif d’apprendre et sont toujours sur le qui-vive pour ne pas passer à côté d’une nouvelle innovation qui pourrait venir perturber, à tout moment, leur modèle opérationnel.

 

Cécile Bernheim: Je pense qu'un bon leader du digital est quelqu'un qui est capable d'inspirer, d'inclure la digitalisation dans sa vision, et est capable de la partager avec ses collaborateurs. Le rôle d’un bon leader est de s'assurer que cette digitalisation n’est pas imposée de haut en bas. Au contraire, il doit veiller à ce que chacun y joue un rôle actif, comprenne comment sa contribution participe au développement de l'entreprise et à son processus de digitalisation. Cette question ne se pose pas uniquement aux managers, mais à tout à chacun. Comment puis-je avoir un impact sur l'entreprise à travers ce que je fais ?

Ces types de dirigeants sont des personnes curieuses, ouvertes à ce qui se passe à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise. Elles sont capables de faire appel à des talents et à des compétences, en interne comme en externe, afin d'enrichir leur vision et les programmes qu'ils mettent en place. Ce sont des personnes suffisamment humbles pour essayer des choses et reconnaître quand cela ne se passe pas comme il le faudrait. Ces leaders sont capables d'arrêter, de changer et d'aller dans une autre direction. Cela demande de l'agilité et de l'humilité, car le monde n'est pas, comme on dit en France, un « long fleuve tranquille ».

 

Comment la technologie a-t-elle modifié le fonctionnement des organisations au cours de votre carrière ?

Cornelia Ritz Bossicard: Les développements technologiques peuvent soit jouer un rôle de facilitateur, soit être un catalyseur. Ils ont contribué à modifier le paysage concurrentiel qui s'est profondément transformé au cours de ces 15 dernières années, avec l’arrivée de différents écosystèmes et plateformes numériques.

La technologie a également eu un impact sur le comportement des consommateurs. D’après mes observations, leurs besoins ont évolué en parallèle des développements technologiques. Il y a 15 ans, la plupart des gens lisaient un journal qu’ils achetaient dans le commerce. Aujourd'hui, ils lisent les informations presque en temps réel sur Internet. Cette évolution a des conséquences sur la chaîne de valeur d'une entreprise. Par exemple, le rôle du conseil d'administration est d'aider les entreprises à tirer parti des opportunités qui accompagnent le changement, mais aussi de minimiser les risques. De ce point de vue, les développements technologiques dans divers domaines ont clairement eu un impact sur notre façon de travailler.

 

Cécile Bernheim: Il y a quelques années, la digitalisation était un sujet de spécialistes. Aujourd'hui, tout le monde en parle puisque tout le monde est touché par le développement et l'utilisation des smartphones, des applications, du web, du commerce électronique et de la technologie en général. Même dans le cas des entreprises, la digitalisation est passée d’un sujet réservé aux experts à une question sur laquelle tous les collaborateurs ont un avis. C’est une évolution qui impacte tout le monde, d’une manière ou d’une autre, que ce soit par le big data, le développement de logiciels ou les usines 4.0.

 

La digitalisation nous permet de réaliser de plus en plus de choses. C’est ce qui est attendu du progrès technologique.

Cécile Bernheim
Présidente et fondatrice de S2E Partners

Il est donc fondamental de prendre en compte ce facteur humain. C’est d’autant plus important si vous occupez un poste de direction. Vous vous devez d’impliquer tous vos collaborateurs, au-delà des services informatiques, des gestionnaires de données ou des responsables de la digitalisation. Les services de R&D, la production mais aussi le commercial doivent pouvoir apporter leur pierre à l’édifice. Pour cela, vous devez inspirer vos équipes en leur expliquant les tenants et aboutissants. Plus elles seront impliquées, et plus elles seront engagées.

La digitalisation nous permet de réaliser de plus en plus de choses. C’est ce qui est attendu du progrès technologique. Sauf qu’il ne s’agit pas simplement que de progrès, mais aussi de personnes bien humaines. À mon avis, cette prise en compte du facteur humain est ce qui caractérise le plus l’évolution des pratiques digitales que l’on a pu observer au fil du temps.

 

Comment les équipes de direction évoluent-elles avec l’adoption de la digitalisation ? 

Sunnie J. Groeneveld: La meilleure façon de diriger est de montrer l'exemple. Ainsi, pour qu'une organisation s'engage dans un projet de transformation digitale, ou fasse avancer une innovation majeure, il faut invariablement que l’impulsion vienne d’en haut. Tout au long du processus d'innovation, l'approche du leadership que j'ai trouvé la plus efficace est la suivante : « Adoptez la posture de coach, plutôt que celle de commandant en chef ». 

Personne n’a toutes les réponses quand vous vous lancez dans une innovation. Dans les faits, cela signifie que vous devez diriger les opérations en posant des questions pertinentes et en faisant confiance à votre équipe, plutôt que de prétendre que vous avez déjà toutes les réponses. Lorsque vous adoptez la posture de coach, vous incitez les autres à s'intéresser à vos questions. Vous encouragez la curiosité et l'ouverture d'esprit, et permettez à vos équipes de trouver de nouvelles réponses, bien meilleures pour l'avenir de votre entreprise.

 

Cornelia Ritz Bossicard: C'est une question intéressante car il existe de nombreux points de vue différents sur les compétences, notamment digitales, dont un conseil d'administration a besoin. À mon avis, il est indispensable qu'un membre du conseil d'administration soit ouvert au progrès et au changement. Il n'a pas besoin d'être un expert en digitalisation, mais il doit être curieux, capable de s'informer, désireux de connaître les possibilités offertes par les technologies actuellement utilisées ou développées par l'entreprise, un concurrent ou un tiers. Ces technologies peuvent être bénéfiques pour le modèle commercial, mais elles peuvent aussi être ou devenir perturbatrices.

Le terme « digital » est tellement vaste qu'il implique de savoir faire preuve d’une grande ouverture d’esprit pour identifier et imaginer les possibilités offertes par de nouveaux développements. C’est ainsi que les conseils d’administration deviennent de véritables alliés de la direction. D'autre part, je suis également convaincue qu'il est important d'avoir une certaine homogénéité dans les valeurs, d'être ouvert et de soutenir la direction. Il n'est pas facile de piloter une entreprise à travers le changement. Il faut donc parvenir à faire comprendre aux membres du conseil d'administration les éléments qui sont essentiels à la réussite du changement et ne pas se contenter de poser des questions à brûle-pourpoint. C’est ainsi que l’on aide l’entreprise à aller de l’avant.

 

Nicole Herzog: La technologie aide les dirigeants à structurer leur processus de réunion, et en le structurant, à gagner du temps. Personnellement, je prépare toutes mes réunions de direction avec Sherpany parce que mon temps est précieux.

 

Pour moi, la technologie est le principal moteur de l'efficacité.

Nicole Herzog
Tech entrepreneur et présidente du conseil d'administration de Sherpany


Cécile Bernheim: La digitalisation accentue la nécessité d'avoir une vision claire et de savoir poser les bonnes questions. Comment devons-nous introduire la digitalisation dans nos systèmes, nos processus et nos méthodes de travail afin d’être toujours informés de ce qui se passe et conserver une longueur d'avance sur la concurrence ? C’est un moyen de gagner en précision, en efficacité et en rapidité. La digitalisation des entreprises les aide à atteindre leurs objectifs et contribue à l’excellence opérationnelle.

Prenez par exemple l'industrie automobile. Si vous vous rendez dans une usine, vous constaterez que tout y est automatisé. L'automatisation est basée sur la digitalisation. Un autre exemple est les entreprises très performantes dans le domaine de la distribution. E. Leclerc a des programmes de relations clients très puissants qui lui permettent de maîtriser leurs données grâce à une gestion de la relation client (CRM) très précise, afin de mettre en place des campagnes de promotion et de fidélisation personnalisées en fonction de chaque individu. C'est du micro marketing basé sur la digitalisation.

 

Quels sont les défis et les opportunités pour les femmes du numérique ? 

Nicole Herzog: Je ne pense pas que les défis pour les femmes dans le secteur du numérique soient différents de ceux qu’elles rencontrent dans d’autres industries. Nous sommes toutes confrontées aux mêmes problématiques. Je suis fermement convaincue que c'est une question de génération. La prochaine génération de dirigeants sera beaucoup plus sensible à la diversité. Les jeunes leaders d'aujourd'hui vivent et pensent de manière plus globale et plus interculturelle que les générations précédentes. Le genre importe moins. Cela change, et c’est très positif.

 

Cécile Bernheim: Je pense que les entreprises sont en train de changer, lentement mais sûrement. Beaucoup de grandes entreprises ont des programmes de diversité pour promouvoir la représentation des femmes. Quant aux femmes, il faut qu’elles osent, qu’elles mettent en avant leurs talents et leurs compétences, afin d’accéder à des postes de direction. Les entreprises développent leurs activités grâce à la digitalisation. Les femmes qui sont expertes dans ce domaine, ou qui sont agiles en la matière, auront davantage d'opportunités. Les femmes sont aussi compétentes que les hommes, cela ne fait aucun doute.

 

Quelles pratiques les dirigeants doivent-ils adopter ou éviter pour réussir dans la digitalisation ? 

Sunnie J. Groeneveld: J’aime penser qu’à l’avenir, les équipes de direction verront l’avantage de travailler dans des écosystèmes ou des réseaux collaboratifs, que ce soit en interne au niveau de la hiérarchie ou des différents services, mais aussi en externe, entre différentes entreprises et secteurs d’activité. J’espère que ces équipes réaliseront que la collaboration bénéficie à leurs performances commerciales. 

Je pense également que les équipes de direction seront de plus en plus connectées, et de plus en plus digitalisées. Elles travailleront et collaboreront d’où qu’elles soient, grâce à des documents hébergés sur le cloud, des outils de gestions de réunions comme celui de Sherpany, mais aussi des solutions de visioconférence.

 

Cornelia Ritz Bossicard: La transformation a débuté. Je connais plusieurs entreprises qui ont créé des laboratoires, ou comme je les appelle des « startups au sein de leur propre organisation ». Il est important de réaliser que ce qui motive et inspire les personnes qui travaillent dans une startup est différent de ce qui motive celles qui travaillent dans un environnement plus traditionnel. Il faut donc les manager d'une autre manière, en cultivant l'esprit d'innovation. Ce mode de fonctionnement peut être appliqué à un environnement plus standard, mais des défis peuvent survenir. Comment s'assurer que ce qui est développé dans la startup ou dans ce laboratoire contribue à la transformation du reste de l'organisation ?

Un autre aspect est que les entreprises n'innovent pas seulement pour le plaisir d'innover. Elles le font en gardant à l'esprit les consommateurs finaux et leurs besoins, en se concentrant sur leurs objectifs, les activités de leurs concurrents et le développement de partenariats. Il s'agit donc de trouver le bon équilibre entre les compétences, les expériences et la vision pour développer une stratégie gagnante. Il appartient aux dirigeants de se tenir informés de ce qui se passe dans le monde, et pas seulement sur leur propre marché, afin d'utiliser ces informations pour définir et ajuster leur stratégie.

 

Cécile Bernheim: L'avenir est incertain, marqué par des changements comme la mondialisation, l'évolution de l'économie et de la technologie. Par conséquent, si vous n'êtes pas prêt à prendre en compte toutes les différentes facettes d'une situation, vous ne réussirez pas à manager vos équipes à travers ces incertitudes. C’est encore plus vrai dans un monde digitalisé.

Voulez-vous en savoir plus sur la transformation digitale ?

1 'Women in the digital era: Internet use and skills at work', OECD, 2018. 

2 'Bridging The Digital Gender Divide', OECD, 2020. 


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Robert Mitson
Robert Mitson
A propos de l'auteur
Robert est passionné par la création de valeur et la communication. En tant que spécialiste du contenu anglais, il créé de nouvelles perspectives pour aider les dirigeants dans toute l'Europe à faire en sorte que chaque réunion compte.